Le Monde Intermédiaire

L’univers mystique

Au-delà du monde physique existe un univers mystique qui unit l’âme de l’Arbre-Mère aux esprits pensants. Ces mondes mystiques ne sont accessibles que si un individu est en contact avec Okateï. Une fine couche de terre riche en humus entre un être pensant et l’écorce de l’Arbre-Mère n’empêche pas cette connexion, mais une maigre épaisseur de roche ou d’air. Okateï est considérée comme myope car une modeste couche inorganique suffit à rompre le lien. Il n’existe qu’une exception à cette règle : les zones saturées d’éther permettent d’établir une connexion avec Okateï malgré la distance. C’est le cas en particulier de la Salle du Puits de Science situé sur l’île volante de Sutanal.

L’univers mystique se divise en plusieurs couche. La première est appelée le Monde Intermédiaire, parfois nommé abusivement Shanyröde. La seconde est Shanyröde (littéralement la porte des ténèbres) en tant que telle qui est constituée d’une série de quatre épreuves qui interdisent l’accès à la troisième couche : l’antichambre de l’Arbre-Mère.

Le Monde Intermédiaire

Le Monde Intermédiaire est un espace adimensionnel empli de néant. Il sert de barrière entre l’esprit de l’Arbre-Mère et ceux des êtres vivants qui souhaiteraient y pénétrer sans en avoir les capacités. Seuls quelques humains ont l’entraînement nécessaire pour l’affronter : les chamans, les Aërlydes et les enfants chéris. La plupart ont besoin de vapeur d’éther pour détacher leur esprit de leur enveloppe physique pour rejoindre le Monde Intermédiaire.

Les Aërlydes et l’éther

Les Aërlydes acquièrent une sensibilité à l’éther qui leur permettent de pénétrer dans le Monde Intermédiaire en vivant en permanence dans la Cérébrosphère, la couche de l’atmosphère riche en éther. Cette condition n’est cependant pas suffisante : tous les Aërlydes ne sont pas capables d’entrer dans le Monde Intermédiaire, en dépit d’un entraînement intensif. Les Aërlydes compétents doivent se rendre dans la Salle du Puits, saturée en éther, pour pénétrer dans le Monde Intermédiaire.

Les chamans et l’éther

Les chamans acquièrent une sensibilité à l’éther en étant exposant dès leur naissance au gaz d’éther ou au nectar d’éther. Ce traitement est réservé au inam, homme du peuple. Un enfant de la noblesse ne sera jamais traité de la sorte ; ce serait considéré comme une infamie.

Par la suite, les chamans utilisent les bourgeons d’éther pour établir une connexion avec l’Arbre-Mère. Les chamans savent également fabriquer du nectar d’éther, c’est-à-dire du gaz d’éther liquéfié. L’évaporation du nectar d’éther permet de retrouver les effets d’un bourgeon d’éther n’importe où.

Les enfants chéris et l’éther

Les enfants chéris sont des fils et filles de Seigneurs (rois ou reines) qui ont bu une goutte de Sève Royale mêlée au miellat offert par Okateï lors de la cérémonie de Wylatmode. La Sève Royale est donc une sécrétion de l’Arbre-Mère que celle-ci mélange aléatoirement (cette notion d’aléatoire ou de choix éclairé de la déesse est débattue) au miellat. Cette Sève Royale crée un lien entre les enfants à venir du Seigneur et la déesse, les enfants ayant une chance d’acquérir une sensibilité à l’éther qui leur permettra de pénétrer dans le Monde Intermédiaire. On considère que l’enfant d’un Seigneur qui aurait bu la Sève Royale a une chance sur trois de développer cette affinité. Si ces enfants héritent effectivement de cette affinité, ils sont nommés enfants chéris (sous-entendu, chéris par l’Arbre-Mère). La sensibilité des enfants chéris à l’éther est sans aucune mesure avec celle des chamans ou même des Aërlydes. Les enfants chéris les plus expérimentés peuvent détacher leur âme de leur corps sans même recourir à l’éther, une simple méditation suffit.

Okateï fait donc un pari. En offrant la Sève Royale (suivant les périodes, une goutte est délivrée une fois par siècle, ou au contraire, une grosse centaine par décennie), l’Arbre-Mère espère créée des ponts avec les humains plus solides qu’avec les chamans et les Aërlydes.

La physique du Monde Intermédiaire

Une fois qu’un humain a réussi à détacher son âme de son enveloppe physique pour rejoindre le Monde Intermédiaire, il se retrouve dans le néant. Cet espace sert de pont entre l’Arbre-Mère et les autres êtres vivants, y compris les âmes de nouveaux défunts qui le traverse pour rejoindre, suivant la légende, le Tronc Originel (aussi nommé monde intérieur). S’il semble avéré que les âmes des morts errent dans le Monde Intermédiaire avant de disparaître, la réalité du Tronc Originel est niée par les Aërlydes et les Muwides qui ont d’autres croyances concernant l’au-delà.

Le néant du Monde Intermédiaire est un carrefour où les âmes de plusieurs êtres peuvent se côtoyer, que ce soient les humains ou certains démons. Le Mangeur d’Âme en particulier vit littéralement dans le Monde Intermédiaire. Les âmes peuvent interagirent entre elles dans ce monde, discuter, se supporter ou se combattre avec leurs armes psychiques. Le Monde Intermédiaire étant adimensionnel, les âmes peuvent s’y côtoyer alors que leurs enveloppes physiques sont à des lieux diamétralement opposés. Cependant, les âmes ne peuvent se croiser que si elles se cherchent (ou l’une d’elle au moins en cherche une autre). Ainsi, deux esprits peuvent cohabiter dans le Monde Intermédiaire sans se rencontrer, ou au contraire se matérialiser l’un en face de l’autre.

Les armes psychiques et les dons des enfants chéris

Les âmes se matérialisent dans le Monde Intermédiaire telles qu’elles se conçoivent. Leur aspect dépend donc du reflet qu’elles ont d’elles-mêmes. Ce reflet est très dépendant de leurs émotions. Les armes psychiques qui peuvent se dessiner dans le Monde Intermédiaire ne sont que la matérialisation de ces états d’esprit : peur, tristesse, joie, colère, rage, douleur… La puissance de ces armes est proportionnelle à ces passions.

La frontière entre le Monde Intermédiaire et le monde physique est parfois ténu. Quelqu’un d’expérimenter peut ainsi palper l’esprit d’un individu rester dans le monde physique (il ressentira un sentiment dérangeant qui attirera son attention), déclencher des migraines foudroyantes, communiquer par télépathie, observer les mondes par les Yeux de l’Arbre-Mère (c’est-à-dire voire le monde à travers les vibrations de l’écorce de l’Arbre-Mère) … C’est ce que l’on appelle les dons des enfants chéris. Cependant, même s’ils sont particulièrement puissants chez les enfants chéris, certains chamans et certains Aërlydes peuvent maîtriser certains de ces dons avec des résultats satisfaisants.

Inversement, de rares personnes ayant une affinité partielle avec l’éther et le Monde Intermédiaire peuvent franchir cette frontière sans quitter leur enveloppe physique. Seule une partie de leur âme est projetée dans le Monde Intermédiaire pour un temps extrêmement court. En général, il s’agit d’attaque à distance assénée depuis le monde physique vers le Monde Intermédiaire.

Le bruit des sèves

Le néant est perturbant pour les esprits qui n’y sont pas habitués. Il est très facile de se perdre dans le Monde Intermédiaire. Heureusement, il est toujours possible de s’orienter grâce au bruit des sèves de l’Arbre-Mère. Ce bruit de rivière est d’autant plus fort que l’âme est proche du monde physique. Il lui est alors possible de retrouver son enveloppe charnelle. Ce bruit des sèves est audible par les enfants chéris même lorsqu’ils sont dans le monde physique. C’est d’ailleurs le premier symptôme des dons des enfants chéris. Il apparaît en général quand l’enfant a entre douze et quatorze ans. Certains enfants particulièrement précoces peuvent entendre les sèves dès l’âge de sept ou huit ans. Les enfants chéris apprennent à ignorer ce bruit pour ne l’entendre que lorsqu’ils se concentrent dessus. Dans le Monde Intermédiaire, le bruit de sève prend en général l’aspect d’une liane lumineuse dont la fluorescence palpite au rythme du flux des sèves.

Les Limbes

Si une âme s’enfonce dans le Monde Intermédiaire, le bruit des sèves va s’amoindrir jusqu’à devenir inaudible. Elle sombre alors dans les Limbes d’où très peu de personnes sont revenues. Il n’y a pas de consensus pour dire si les Limbes font partie du Monde Intermédiaire où s’il s’agit d’un univers psychique à part entière. Quoi qu’il en soit, les âmes qui s’y perdent s’engourdissent et y dorment à jamais. De rares annales font état de cocons qui envelopperaient les âmes assoupies. Seule une autre personne qui nommerait une âme endormie pourrait la réveiller. Même si ce miracle se produisait, il faudrait ensuite que les âmes parviennent à quitter les Limbes et à retrouver le bruit des sèves. C’est une tâche impossible sans un lien puissant pour guider les âmes perdues vers leur enveloppe charnelle.

Les épreuves de Shanyröde

Shanyröde, la porte des ténèbres, est un interstice entre le Monde Intermédiaire et l’antichambre de l’Arbre-Mère. Il a pour but de repousser les âmes qui n’ont pas la capacité de rejoindre l’antichambre de l’Arbre-Mère et de se mélanger à l’âme de l’Arbre-Mère. Au-delà de son rôle de filtre, il s’agit aussi d’un voyage initiatique destiné à comprendre l’âme du l’Arbre-Mère lorsque le mystique se présentera devant l’âme de la déesse.

L’entrée de Shanyröde se matérialise comme une porte au cœur du Monde Intermédiaire, une porte qui ouvre sur un ensemble de quatre épreuves mortelles (cinq épreuves selon certains auteurs). En cas d’échec, l’âme peut se perdre dans les Limbes. Connaître la nature de ces épreuves n’est d’aucune aide, elle peut même piéger celui qui s’est forgé des idées préconçues.

Selon certains, l’apparition de la porte est en elle-même une épreuve. La personne qui souhaite pénétrer dans Shanyröde doit faire abstraction de sa vue pour voir au-delà du néant, pour déceler la porte de l’esprit d’Okateï.

Les quatre épreuves

La première épreuve est nommée le gouffre sans fond. L’âme plonge dans un abîme entouré d’un vent dont le hululement est strident et insupportable. Celui ou celle qui affronte cette épreuve doit réussir à faire abstraction du bruit ambiant pour retrouver le bruit des sèves par derrière le vacarme.

La deuxième épreuve est le lac gelé. L’esprit du voyageur tombe dans un lac duquel il ne parvient pas à s’extraire. Pire que cela, une gangue de glace l’emprisonne peu à peu et l’entraîne vers le fond. Le voyageur ne doit son salut qu’en focalisant son attention sur son corps, depuis ses orteils jusqu’à la pointe de ses cheveux. S’il y parvient, il se retrouve devant un morceau d’écorce de l’Arbre-Mère.

Vient ensuite les sables mouvants. Alors qu’il se trouve devant l’écorce de l’Arbre-Mère, l’âme du voyageur se fait avaler pour des sables mouvants sous ses pieds. Ce n’est pas tant l’esprit qui s’enfonce que les sables qui envahissent l’espace pour ensevelir l’esprit audacieux, et tout particulièrement ce qui lui tient de bouche. Il peut alors goûter l’humus et la roche, telle une racine de l’Arbre-Mère. L’acceptation de cette réalité est la clef de la délivrance.

Enfin, la dernière épreuve est la forêt enflammée, rappel de l’Enfer de la Fin des Temps. L’esprit du voyageur apparaît dans une clairière encore épargnée par la fournaise qui l’entoure. Ce refuge est cependant provisoire. Il sera immanquablement ravagé par les flammes et l’esprit avec lui. Le voyageur doit trouver un chemin entre les flammes, une tâche impossible s’il ne se concentre pas sur l’odeur d’une fleur, détail incongru au cœur du brasier. Cette fleur est la porte de l’antichambre de l’Arbre-Mère.

Analyse et interprétations

Ainsi, les quatre épreuves de Shanyröde font référence à quatre parties essentielles de l’Arbre-Mère :

  • Ses sèves, c’est à dire le fluide vital d’Okateï. Les sèves sont associées à l’ouïe et selon certains auteurs, aux enfants chéris et aux chamans.
  • L’écorce, le support sur laquelle s’organise la vie symbiotique de l’Arbre-Mère (humains, animaux, démons, mais aussi l’ensemble des végétaux épiphytes). L’écorce est associée au toucher. Certains auteurs font aussi le parallèle entre l’écorce et le peuple fylide.
  • Les racines, essentielles pour la survie de la Plante. Elles sont associées au goût et aux Muwides (selon certains auteurs du moins).
  • La fleur que l’on retrouve sous la forme de différente excroissance sur l’Arbre-Mère. La fleur est associée à l’odorat. Le côté volatile du parfum d’une fleur laisse entendre à certains auteurs que la dernière épreuve serait associée aux Aërlydes. Il est à noter que la grande majorité des savants ayant travaillé sur le sujet sont des Aërlydes. Il est possible qu’ils se soient donnés le beau rôle en associant leur peuple à l’ultime épreuve de Shanyröde, celle qui ouvre sur l’antichambre de l’Arbre-Mère.

Des chamans ont voulu voir une correspondance entre ces quatre épreuves et les quatre Ramures de l’Arbre-Mère, sans toutefois se mettre d’accord sur les ramures qui seraient associées à telle ou telle épreuve. Le consensus scientifique (c’est-à-dire le consensus aër) est néanmoins formel : cette idée n’a aucun sens.

À vouloir trouver des correspondances entre les sens humains et les épreuves de Shanyröde, certains auteurs ont considéré que l’apparition de la porte au cœur du Monde Intermédiaire serait associée à la vue. Leurs contradicteurs leur opposent que la vue n’est pas véritablement un sens de l’Arbre-Mère (Okateï « voit » à travers les vibrations de son écorces).

L’antichambre de l’Arbre-Mère

Une fois les épreuves de Shanyröde franchie (une simple formalité pour une personne expérimentée), le voyageur débouche sur une immensité immaculée. Adimensionnel comme le Monde Intermédiaire, cet espace ne recèle aucune aspérité, aucune ombre où s’accrocher pour saisir un contraste. Le chaman doit faire le vide dans son esprit pour se mettre au diapason de celui de l’Arbre-Mère.

L’âme d’Okateï se matérialise alors et tente de répondre à ses questions. Okateï ne s’exprime jamais avec des mots, uniquement avec des sculptures de pure lumière semblant surgir de l’infinie blancheur de l’antichambre de l’Arbre-Mère. Les réponses d’Okateï sont allégoriques et souvent cryptiques. L’Arbre-Mère ne peut montrer des réponses précises que lorsqu’il s’agit de son univers propre : donner la santé d’une Branche, indiquer la direction de croissance actuelle, montrer un paysage vu par Okateï… Les chamans, en particulier les chamans seigneuriaux, se limitent à ce genre d’auscultation.

Les Aërlydes forcent ce processus. La saturation de l’éther dans le Puits de Science leur permet de contraindre Okateï a révélé les secrets de l’univers. La compréhension intime de la physique du monde est à l’origine de leur avancée technologique et de leur pouvoir sur les autres peuples. Les Aërlydes nomment ces connaissances extorquées à Okateï la préscience. Mais à l’inverse des chamans qui n’obtiennent d’Okateï que ce que la déesse veut bien leur donner, il s’agit d’un pillage que d’aucuns qualifient de viol de l’esprit de la déesse.

Les enfants chéris usent de techniques semblables à celles des chamans. Les plus puissants parviennent à diluer leur esprit dans celui de la déesse jusqu’à ce qu’Okateï en vienne à les considérer comme une part d’elle-même. Les enfants chéris ont alors accès au savoir de la déesse offert gracieusement et non extirpé sauvagement. Cette méthode présente cependant le risque de perdre son identité au point de se fondre dans l’esprit de l’Arbre-Mère sans parvenir à s’en extraire.